"Un soir, dans la prison dArles. On nentendait que
les pas réguliers du gardien effectuant ses aller et retour
dans le couloir sombre et froid. Le bruit sourd des portes qui souvrent
et se ferment inlassablement sétait arrêté.
Il flottait toujours une odeur de moisissure et de rats crevés.
Au fond du couloir, à droite, une cellule. A lintérieur,
un homme, allongé sa couchette, les mains croisées sur
son ventre, tel un mort. Ayant tiré sur lui le maigre tissu
qui faisait office de couverture, il fixait le plafond. Son souffle
devint irrégulier. Langoisse montait et létreignait
peu à peu. Un noir si immense que la solitude, la peur et le
froid lavaient gagné."
"Il
se réveille en sueur, secoué par le rêve violent
qui venait de déchirer son sommeil.
Un éclat de lumière éblouissant reflétait
une ombre difforme sur le sol. Le froid vif de la pièce saisissait
ses membres. Il fit un mouvement du bras gauche et, stupéfaction,
son ombre bougea le bras droit. Il se mit à gesticuler dans
tous les sens, la reproduction de ses agitations était évidente
bien quasymétrique. Comme une ombre imite son modèle,
les gestes étaient exécutés par ce clone. La
peur le gagna. Il ne reconnaissait pas sa silhouette sur lombre
reflétée contre le mur. Par ailleurs elle nétait
pas de couleur noire, comme toutes les ombres mais rouge vif : sang,
même. Epouvanté, il ferma légèrement les
yeux, et lorsquil les rouvrit, ce fut pire. A la place de son
ombre, il trouva une flaque de sang qui fumait. Un froid glacial lenveloppa,
tel un linceul. Etait-il mort ? Rien dans la réalité
ne lui aurait fait subir une telle expérience. "
"Se retournant, son regard croisa le miroir au dessus du lavabo
de sa cellule. Ses traits avaient pris peu à peu une tout autre
forme : celle dun monstre, dune bête.
Quelque chose semblait sortir de lui, et cette chose se faisait de
plus en plus pressante. Il se mit à se griffer, à sarracher
des lambeaux de peau, laissant apparaître ses muscles à
vif et palpitants qui semblaient grossir à vue dil.
Ils prenaient du volume et devenaient rouge vif. La respiration haletante,
il se regarda dans la glace et vit ce qui restait de son visage. La
partie gauche était dépourvue de peau, son nez sétait
allongé à la manière dun museau, de longs
poils poussaient sur son dos ainsi que sur larrière de
sa tête et de ses jambes musclées. Ses yeux bleus, plus
perçants que jamais, brillaient et semblaient contenir des
flammes, les flammes de lenfer, à moins que ce ne soit
celles de la souffrance ou du désespoir. Et puis il y avait
ses dents, ses canines plus pointues que nimporte quelle aiguille.
Il nétait pas fait de chair mais plutôt dune
matière noire dont il ne pouvait donner lorigine, elle
silluminait, telles des braises, sur toutes les parties de son
corps sous forme de petites taches incandescentes.
Il était devenu moitié loup, moitié diable. Il
émit un hurlement lugubre. Son haleine exhalait une forte odeur
de pourriture et de sang mêlés, elle était brûlante.
Ses oreilles longues et pointues étaient parsemées de
petits trous, telle une feuille dévorée par une colonie
de pucerons."
Suite
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