Extraits (2) de la Bête :


"Un soir, dans la prison d’Arles. On n’entendait que les pas réguliers du gardien effectuant ses aller et retour dans le couloir sombre et froid. Le bruit sourd des portes qui s’ouvrent et se ferment inlassablement s’était arrêté. Il flottait toujours une odeur de moisissure et de rats crevés. Au fond du couloir, à droite, une cellule. A l’intérieur, un homme, allongé sa couchette, les mains croisées sur son ventre, tel un mort. Ayant tiré sur lui le maigre tissu qui faisait office de couverture, il fixait le plafond. Son souffle devint irrégulier. L’angoisse montait et l’étreignait peu à peu. Un noir si immense que la solitude, la peur et le froid l’avaient gagné."

"Il se réveille en sueur, secoué par le rêve violent qui venait de déchirer son sommeil.
Un éclat de lumière éblouissant reflétait une ombre difforme sur le sol. Le froid vif de la pièce saisissait ses membres. Il fit un mouvement du bras gauche et, stupéfaction, son ombre bougea le bras droit. Il se mit à gesticuler dans tous les sens, la reproduction de ses agitations était évidente bien qu’asymétrique. Comme une ombre imite son modèle, les gestes étaient exécutés par ce clone. La peur le gagna. Il ne reconnaissait pas sa silhouette sur l’ombre reflétée contre le mur. Par ailleurs elle n’était pas de couleur noire, comme toutes les ombres mais rouge vif : sang, même. Epouvanté, il ferma légèrement les yeux, et lorsqu’il les rouvrit, ce fut pire. A la place de son ombre, il trouva une flaque de sang qui fumait. Un froid glacial l’enveloppa, tel un linceul. Etait-il mort ? Rien dans la réalité ne lui aurait fait subir une telle expérience. "


"Se retournant, son regard croisa le miroir au dessus du lavabo de sa cellule. Ses traits avaient pris peu à peu une tout autre forme : celle d’un monstre, d’une bête.
Quelque chose semblait sortir de lui, et cette chose se faisait de plus en plus pressante. Il se mit à se griffer, à s’arracher des lambeaux de peau, laissant apparaître ses muscles à vif et palpitants qui semblaient grossir à vue d’œil. Ils prenaient du volume et devenaient rouge vif. La respiration haletante, il se regarda dans la glace et vit ce qui restait de son visage. La partie gauche était dépourvue de peau, son nez s’était allongé à la manière d’un museau, de longs poils poussaient sur son dos ainsi que sur l’arrière de sa tête et de ses jambes musclées. Ses yeux bleus, plus perçants que jamais, brillaient et semblaient contenir des flammes, les flammes de l’enfer, à moins que ce ne soit celles de la souffrance ou du désespoir. Et puis il y avait ses dents, ses canines plus pointues que n’importe quelle aiguille. Il n’était pas fait de chair mais plutôt d’une matière noire dont il ne pouvait donner l’origine, elle s’illuminait, telles des braises, sur toutes les parties de son corps sous forme de petites taches incandescentes.
Il était devenu moitié loup, moitié diable. Il émit un hurlement lugubre. Son haleine exhalait une forte odeur de pourriture et de sang mêlés, elle était brûlante. Ses oreilles longues et pointues étaient parsemées de petits trous, telle une feuille dévorée par une colonie de pucerons."

 

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