L'EMULATION

Le système des DECURIES. Les élèves responsables. Les prix.
Un exemple d’émulation plus tendancieuse.

C’est l’aspect qu’on a le plus reproché aux collèges jésuites : ils avaient banni les punitions du style "sévices" (coups, cachot,...) qui seront encore longtemps en honneur dans les autres collèges. Ils usaient à la place (et parfois abusaient) de "l’aiguillon de l’émulation", et certains élèves s’en trouvaient plus marris que d’une punition corporelle.

Le système des DECURIES.
Dans chaque classe les élèves (ils étaient 80 à 100) étaient divisés en "décuries" ou " ordres" (nous dirions aujourd’hui groupes de niveau). Il y avait :
- Les Primi eximi ( on disait les primi tout court)
- Les Mediocres
- Et les Incallidi (mal habiles.... il est à noter qu’on n’utilisait pas le mot "faible" ou "mauvais")
Chaque groupe avait son décurion (le meilleur élève du groupe), ses "dignités" (un 1er banc et un dernier banc), et ses devoirs adaptés à son niveau.
Chaque fin de mois, le régent (professeur) proclamait les notes de chacun et remettait des "proemiola" (des "petits prix") que le décurion inscrivait dans un registre spécial.
On montait dans l’ordre supérieur quand on avait été deux fois premier de sa décurie, et on descendait dans l’ordre inférieur (où certains devaient rester vissés à vie !) quand on avait été trois fois au dernier banc de sa décurie.

Les élèves responsables.
Autre temps autres moeurs, comme dans les écoles anglo-saxonnes, les Jésuites utilisaient beaucoup les élèves pour des taches de surveillance ou de police mais aussi d’enseignement. Dans chaque classe il y avait :
- Un censeur (le 1er des Primi)
- des Préteurs (les 1ers aux examens semestriels)
- des Décurions (les 1ers des groupes de niveau )
Tous assuraient des taches de surveillance mais surtout soulageaient le régent d’une partie de son travail : le censeur, par exemple, fait réciter les leçons, les préteurs vérifient les corrigés, les décurions relèvent les notes, etc...
Tous ces titres fonctionnaient au mérite, aucun n’était à l’année et on pouvait les perdre ou y accéder facilement (il suffisait de bien travailler !)
Tous les échos du temps nous disent qu’ils paraissaient "naturels" aux yeux des élèves et ne créaient pas un mauvais climat dans les classes.


Les prix.
Dans les collèges jésuites on utilisait beaucoup le système des prix (dont ils étaient les inventeurs). Ces prix, souvent purement honorifiques (une couronne de laurier, un titre ) n’en étaient pas moins prisés !
Tous les régents organisaient des concours, des "jeux", des "rivalités de musique ou de théâtre" à l’intérieur de leurs classes et interclasses. Tous étaient dotés de "prix".
Et si toutes les fins de mois on distribuait des " proemiola " (petits prix) en fin d’année c’était des " proemia " (grands prix) qui revêtaient une extraordinaire solennité (
la distribution des prix)


Un exemple d’émulation plus tendancieuse.
Cette "rage de l’émulation" dérapait parfois un peu. Ainsi lit-on dans le Diarium (journal) d’un régent d’Avignon au XVIIme siècle :
"Pendant la correction des thèmes le censeur marque sur un cahier spécial les phrases les plus élégantes et les solécismes les plus énormes avec le nom de leurs auteurs. Le samedi on lit le cahier à haute voix devant toute la classe et on invite les auteurs des solécismes à expliquer leur phrase. Il est rare qu’on retombe ensuite sur ces mêmes fautes car rien n’humilie plus un élève que de lui demander devant 100 autres la règle selon laquelle il a cru devoir faire une faute" ..... Effectivement le procédé devait être efficace !

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