LE PENSIONNAT DEVIENT LA REGLE
Jusquà
la fin du XVIIIme siècle, linternat ( mot sinistre du XIXme siècle
) nétait pas du tout prisé par les Jésuites, qui
se refusaient même à en ouvrir un dans leurs collèges. A
linverse, et pour des raisons impérieuses, linternat devient
indissociable des " nouveaux collèges ".
Les anciens collèges avaient toujours refusé douvrir un
" Pensionnat ". Tous leurs élèves étaient
externes, et ceux qui navaient pas leur famille en ville prenaient pension
chez des particuliers. On retrouvait là le vieil esprit médiéval
des études, qui redoutait lenfermement des élèves,
synonyme à ses yeux détiolement humain et intellectuel.
Ainsi sétait organisé le système des " convicts
" ou " maisons de famille " (le terme, déjà,
en donne lesprit ). En effet il sagissait dune maison aménagée
en "appartements " ou " chambres " dans lesquels
les élèves vivaient à 3 ou 4 avec comme " chef
de famille " un jeune jésuite et avec un ou deux serviteurs
particuliers. Toujours hors du collège, de façon à "
laisser une liberté aux élèves ", ces maisons
étaient gérées par des laïcs ; les jésuites
ny assuraient quune "présence familière ".
Lorsque les Jésuites reviennent en France, au début du XIXme,
et y ouvrent de nouveau des collèges, les choses vont êtreradicalement
différentes.
Tous les "
nouveaux collèges " sont dotés dun Internat
qui devient la pièce principale de létablissement.
La raison, au départ, nest pas pédagogique mais .... financière
: les nouveaux collèges ne reçoivent aucune aide et doivent se
débrouiller pour assumer tous leurs frais (constructions, équipements
scolaires, salaires du personnel, et impôts). La seule solution est douvrir
des "
pensionnats " ... payants ! ( où on pouvait même,
moyennant supplément, rester pendant les vacances).
Car, par chance, cette nouveauté correspondait bien à lesprit
du temps : dans la bourgeoisie dominante éducation rime alors avec dressage,
et on se méfie de toute forme de liberté qui ne peut être
que " nuisible aux enfants ". Personne ne trouve donc à
redire à lenfermement des enfants et des adolescents, on souhaite
même que le cadre de cet enfermement soit le plus contraignant et le plus
sévère possible pour les " former "
Les Jésuites, dans leurs nouveaux collèges, vont donner à
plein dans ce sens. Si les convicts des anciens collèges se voulaient
familiaux, tout ici, à linverse, est conçu " militairement
".
" Chaque Père Recteur a comme vous, messieurs, un régiment
à commander, et ce régiment il faut quil marche ! "
(Phrase dun P.Jésuite à des officiers en 1830)
Les élèves sont groupés en " divisions "
dâge (terme nouveau emprunté aux lycées militaires
de Napoléon) . Ils marchent en rangs et au pas, portent un uniforme inspiré
des " académies militaires ", et comme dans ces académies
tout est rigidement séparé :chaque division a son étude,
son dortoir, et même sa cour de récréation.... On est loin
de " laimable pagaille " des anciens collèges.
Un seul détail : ici la cloche remplace le tambour des lycées
publics.
La règle de vie de ces pensionnats est rigoureuse :
- Lever : 5h30 en hiver, 5h à partir du 1er Avril.
- Messe à 6h30.
- Pas de petit déjeuner (sauf les jours de fête) Les élèves
, au sortir de la messe, prennent au passage un morceau de pain dans une corbeille
et le mangent "en allant en classe".
- Les heures de cours sont réduites : le matin 1 h de cours, 30mn de
récréation, à nouveau 1h de cours et 30mn de récréation.
Laprès-midi 1h et demie de récréation puis 2h de
cours coupées par 30mn de récréation, étude, souper,
et 2h de récréation du soir.
Labondance des récréations avait été rendue
obligatoire par " létat dexcitation des élèves"
car le pensionnat est "une marmite qui bouillonne en permanence"
:
- Aucune vacance, sauf celles de fin dannée (fin Août - fin
Octobre) qui était attendues comme le Messie
- Aucune sortie en ville, même pas pour des " urgences "
(médecin et dentiste venaient au collège)
- Certains collèges du Midi, en arguant du Ratio, avaient en vain demandé
un jour de congé hebdomadaire. Rome refusa, mais suite à quelques
"explosions" on institua deux " promenades "( le mercredi
et le samedi), et on allégea un peu les études du dimanche.
" Malgré ce, il ny avait jamais assez de temps pour létude
et le P.Préfet permettait aux " Grands " de se lever à
4h pourtravailler un peu plus " (Témoignage dun élève,
1842).