Le RÔLE du MAÎTRE et Le TRAVAIL de L'ELEVE


Le RÔLE du MAÎTRE
Le premier acteur de l’enseignement, c’est celui qui enseigne ; aussi les Jésuites accordaient-ils un soin tout particulier à la formation de leurs " magistri " (maîtres), qu’ils voulurent très différents des maîtres de la fin du Moyen Age.

C’était le grand point de conflit entre l’enseignement de la fin du Moyen Age et celui de la Renaissance. En effet, jusqu’à la fin du XIIIme siècle, les maîtres, lorsqu’ils " donnaient un cours ", parlaient d’inspiration ou de mémoire et les élèves prenaient des notes. Mais au début du XIVme siècle tout se sclérosa : on se mit à dicter les cours dont le contenu était un texte standard tout prêt que le maître lisait et que les élèves devaient apprendre par cœur.
Or que disent les Jésuites à leurs premiers élèves ?
"La voix vibrante du maître, voilà votre commentaire ! Plus de dictées, mais des notes que vous relèverez pendant son discours puis, à la place des 8 ou 10 heures stériles qu’il vous faudrait pour tout apprendre par cœur, 2 ou 3 heures de sérieuse méditation personnelle sur le texte ou la leçon". C’est le grand retour aux "cours intelligents" du XIIIme siècle. Certes le mouvement était dans l’air et quelques grands collèges avaient déjà allégé les cours dictés, mais les Jésuites furent les premiers à les bannir totalement et ce fut une véritable révolution pour les maîtres comme pour les élèves.

En effet, que lit-on dans le Ratio ?
-S ’adressant au maître : "La paraphrase doit céder la place à la pensée personnelle dans le discours du maître, et de la même façon il doit l’interdire à ses élèves et les forcer à développer leur propre pensée .....qu’il (le maître) parle d’abondance, sans jamais rien dicter sinon quelques principes et règles indispensables, et quand il le fait, qu’il veille à ne jamais laisser languir les facultés de ses élèves ".
-Et s’adressant aux élèves : "Ils ne doivent pas prendre le cours comme si le maître dictait, mais noter seulement ce qui leur paraîtra digne de l’être".
Ces principes, que nous nous efforçons d’appliquer dans notre enseignement actuel et qui sont loin d’être acquis par les élèves (et même parfois par les maîtres !) étaient évidents pour les Jésuites du XVIme siècle, et sans cesse revient dans leur Ratio cette expression : " Excitetur ingenium " .....exciter l’intelligence des élèves, voilà le rôle essentiel du maître.

LE TRAVAIL PERSONNEL DE L’ELEVE
Dans les écoles médiévales les élèves fournissaient beaucoup de travail : il leur fallait des heures pour mémoriser par coeur les textes, les cours , les arguments des disputes. Dans les collèges jésuites le "travail solitaire" demeure tout aussi important mais il est tout autre.
- Il consiste d’abord à retravailler les cours : "L’élève prend des notes pendant que le maître parle. Après les avoir relues il transcrira sur un cahier propre celles qui lui paraissent dignes d’être gardées. Si quelque notion lui a échappé ou lui paraît erronée il en demandera raison au maître "
- Profiter de toutes les occasions dans la journée : "En classe, aux moments les moins actifs (la récitation par exemple) on encouragera les élèves à compléter leur cahier de "bonnes expressions" ou leur " collection d’exemples et d’arguments ", et s’ils ont fini un travail à l’avance ils s’entraîneront à écrire quelques vers ou quelque petit texte (On retrouve là un vieux principe des Jésuites qui ne croyaient pas à "l’oisiveté féconde").
- L’apprentissage des leçons : "Dans les classes inférieures les élèves repasseront leurs leçons entre eux sous la direction du régent (Professeur), mais dès qu’ils seront à l’âge médian ils le feront tout seuls, chacun dans son coin , et le régent aura soin de vérifier leur travail en les interrogeant au début de chaque cours " (Comme on le voit la mémoire si chère au Moyen Age n’était pas complètement jetée aux orties).
- L’importance de la "lecture privée" : Si sur les 6 heures quotidiennes de dispute qui prévalaient dans les écoles médiévales, les Jésuites n’en ont plus retenu qu’une, ils ont par contre introduit 2 à 3 heures quotidiennes de " lecture privée " (nous dirions " personnelle "). Pendant ces heures soit en classe soit à la bibliothèque (le collège d’Avignon en possédait 3 ), chaque élève lit un des ouvrages de la liste établie par le régent ( et c’était une des récompenses ordinaires que d’avoir la liberté de choisir sa lecture en dehors de cette liste ).
- Enfin l’abondance des devoirs écrits : C’est une des grandes nouveautés du XVIme siècle et des collèges jésuites en particulier . " A chaque enseignement oral du maître doit correspondre un exercice écrit personnel de l’élève " dit le Ratio. Les élèves font donc des devoirs en quantité : pendant les heures de cours, le soir à la maison.

A partir de la fin du XVIme siècle on institue un système de "colles" ( on sait par exemple que tous les jeudis après-midi les élèves d’Avignon avaient un devoir surveillé de latin, le fameux "Thème du Jeudi")
Plus tard, au XVIIIme siècle, il y aura quasiment un devoir chaque soir pendant "l’heure d’étude" (mots qui n’avaient pas le même sens qu’aujourd’hui). Ainsi, écrit un père de cette époque, "toutes les matières étaient travaillées également et avec certitude !"

retour - suite