Extraits 2 : "Un lycée d'enfer"


L’ enfer :


Camille n’osait pas rallumer tout de suite sa lampe. Elle progressa de quelques pas, ses yeux commençaient à s’habituer à l’obscurité. Elle distingua sur sa gauche une ombre menaçante. Encore quelques secondes pour maîtriser sa peur, elle braqua sa lampe héroïquement vers le danger : ce n’était qu’une armoire recouverte d’un drap blanc qui, telle un spectre semblait lui souhaiter la bienvenue. Décidément l’ambiance de ce lieu était vraiment pesante. Elle osait à peine se l’avouer. Elle n’avait pas ressenti une telle frousse depuis le jour où son père, excédé de la voir jouer aux jeux vidéo, l’avait envoyée chercher du bois à la cave. Elle avait gardé de ce jour un souvenir terrifiant.

Qui pouvait bien connaître encore aujourd’hui l’existence de cette pièce ? Camille se le demandait : de grandes toiles d’araignées en fermaient le passage. Après les avoir franchies non sans quelque appréhension elle poussa son exploration jusqu’à une deuxième pièce. Une tâche blanche sur le sol attira son regard. Elle se baissa : c’était une feuille identique au carnet d’Hadrien.

Elle braqua sa lampe et parcourut le message :
Ami inconnu,
Tu es arrivé jusqu’ à ce lieu maudit oublié des hommes. Dans cet antre résident les trois clefs du monde : passé, présent, futur. Si tu es là, c’est que tu as découvert mon carnet intime. Auras-tu le courage d’aller jusqu’au bout ? Viens à mon aide. Hadrien
Ah ! pensa Camille, c’est là qu’il a disparu. Elle regarda autour d’elle. C’était un vrai capharnaüm sombre et poussiéreux et là, un vieux bureau à moitié consumé… consumé, c’était le mot ! Cela ne l’avait pas frappée tout de suite mais l’atmosphère était étouffante comme si elle se trouvait dans une pièce enfumée : pourtant aucune trace de fumée. Camille vacilla, totalement désorientée, et s’appuya un instant contre le mur, le temps de reprendre ses esprits. Le mur semblait chauffer au contact de sa main. Elle chercha du regard un radiateur mais la pièce en était dépourvue. Ses pas hésitants sur le sol soulevèrent une poussière noire, une acre odeur de suie froide remonta jusqu’à ses narines. On dit que certains lieux ont une âme.

Ce lieu en avait une et il voulait lui faire comprendre quelque chose. La panique la gagna. Ce n’était qu’un début : sa propre image venait de se refléter dans un miroir. Pendant un quart de seconde ,elle ne se reconnut pas. Son image s’estompa pour laisser place, peu à peu à un tableau recouvert de poussière qui se trouvait sur le mur opposé. Elle souffla pour le dégager. Une étrange impression l’étreignit, les images se bousculaient devant ses yeux. Soudain ,elle entendit le crépitement des flammes, l’affaissement d’une bibliothèque et la dégringolade des livres. Fort heureusement, la majorité des étagères qui emplissaient la pièce jusqu’au plafond étaient intactes. Une échelle de bois à demi calcinée devait permettre, en d’autres temps, d’atteindre les étagères les plus hautes. La sueur perla à son front. L’angoisse lui serra la gorge. Elle discerna clairement des appels au secours. Elle n’aurait pas mieux vécu la scène en visionnant une vidéo. Elle frissonna d’angoisse en pensant que peut-être Hadrien était mort dans un incendie.

Puis Camille se sentit tomber, tomber, tomber … telle " Alice au pays des merveilles ". Tout le temps de sa chute, un ricanement sinistre l’accompagna.
Là devant elle, le jeune homme du tableau se matérialisa à travers le miroir. Elle ne savait comment, ni pourquoi, mais elle accepta ce phénomène avec beaucoup de calme. Son voyage dans le temps avait commencé ! ! !
- Enfin quelqu’un ! Comment êtes vous arrivée jusqu’ici ? Je pensais que j’étais définitivement exclu du monde des vivants…
- Hadrien ? J’hallucine ! Ce n’est pas possible ! C’était donc vrai !
A la vue d’Hadrien, Camille pensa qu’il semblait tout droit sorti de la dernière pièce de théâtre à laquelle elle avait participé : la tête rasée, un uniforme noir trop court et peu seyant faisait ressortir sa silhouette grandie trop vite et lui donnait un air comique et rêveur.
Ses cheveux courts étaient hérissés ,malgré l’abondance de Brillantine censée les dompter. Il portait au cou une petite cravate noire.
- J’ai lu ton journal …
- Je m’en doute, si vous êtes là. Mais ajouta-t-il avec un sourire comme pour s’excuser, vous connaissez désormais votre sort ? Comment vous appellez-vous ? Moi, c’est Hadrien, ce n’est pas une surprise !
Cela lui parut insensé mais sa réponse fut spontanée :
- Camille.

 

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